Les hôteliers qui feront comme avant seront des soldats mal équipés qui n’auront pas anticipé leur progression. De toute évidence, les échauffourées n’ont pas pris fin et partir la fleur au fusil sans une réflexion profonde avant de « sortir de sa cache » risque de se payer au prix cher.
Qu’est ce qui va changer ? Allons-nous vraiment vivre dans le « monde d’après » comme les journalistes nous le disent ? Y aura-t-il une rupture ?
Dans les deux précédents volets de notre article “Ce qui changera pour les hôteliers après la crise du Coronavirus”, nous avons abordé 4 tendances dans les comportements de consommation en émergence :
Nous allons maintenant nous pencher sur deux tendances qui risquent de se renforcer dans les mois et années à venir :
Les crises ont rarement produit des révolutions économiques mais ont plutôt prolongé des évolutions déjà entamées. Le « Monde d’après » est un terme de journaliste qui alimente des fantasmes pour mieux vendre. Nous allons tenter dans cet article de prolonger ce que nous observons déjà.
Les cadavres vont se compter par centaine de millions. 17 millions de chômeurs aux États-Unis depuis le début de la crise sanitaire. Un taux de chômage de 16%. En chine on parle d’un taux de chômage de 20%, ce qui ferait entre 160 et 200 millions de chômeurs. Qui l’aurait cru il y a quelques mois ? Dans notre village France, protégé par un état providence, la note risque d’être moins salée à court terme parce que notre politique budgétaire a amorti le choc économique mais a anesthésié sa population. Le moral va déchanter quand nous compterons notre perte de richesse et notre dette.
Cinq cent, sept cent mille chômeurs de plus d’ici mars 2021 si tout va bien ? Et un endettement qui va devenir insupportable car « il n’y aura pas de recette magique pour faire disparaître toute nouvelle dette sans coût » (Laurent Weil)
Nous serons donc plongés dans un contexte économique où la fameuse « fracture sociale », que notre président Chirac avait observée il y a déjà presque 20 ans, va encore s’accentuer. Les plus anciens d’entre nous constatent à quel point l’offre de milieu de gamme a disparu dans l’équipement de la personne et de la maison. La massification de l’économie, la désindustrialisation, les délocalisations, la réallocation des emplois vers les services, ont eu un impact négatif sur les salaires de qualification basse et moyenne. Inversement, les travailleurs les plus qualifiés et les détenteurs de patrimoine ont tiré profit de la mobilité internationale du travail, de la mondialisation de l’activité des entreprises et de la libéralisation financière, produisant une envolée des très hauts revenus principalement dans les grandes métropoles alors que le monde rural est à côté de ce développement. La crise des gilets jaunes s’explique en partie par ce constat.
Distribution alimentaire aux Vernets, Suisse.
La crise sanitaire et celle économique qui va suivre n’auront comme effet que la continuation de ce mouvement observé depuis 40 ans. Les gros ramasseront les cadavres des petits. Fusions, acquisitions, massifications vont encore développer le travail déqualifié et le chômage, en même temps qu’il va enrichir les grosses fortunes.
Il risque de se passer dans l’hôtellerie, ce qui s’est passé dans la distribution. Le milieu de gamme risque de progressivement disparaître. Voici donc pourquoi le segment 3 étoiles pourrait se tarir. Il serait également logique d’avancer que l’offre des grandes métropoles sera plus fournie qu’aujourd’hui en 4 et 5 étoiles et que le segment un et deux étoiles sera encore plus largement minoritaire.
Parallèlement, pour répondre à une masse croissante de consommateurs désargentés ou craignant de l’être, l’offre économique risque de se développer. Le camping a de beaux jours devant lui. Les chaînes hôtelières de grosse envergure financière pourraient développer la franchise sur des segments économiques créatifs et alternatifs et contenter ainsi une clientèle de classe moyenne devenue basse.
Notre monde est tourmenté et n’a pas fini de l’être. Les adeptes de la conduite du type « Make America great again » risquent de déchanter. Vagues de chaleurs, feux de forêts, tempêtes et cyclones, avalanches, inondations…De combien de signes avons-nous besoin pour comprendre ?
Depuis 1950, la fréquence de ces accidents très graves a presque quadruplé, passant d’un événement par an entre 1950 et 1996 à 3,6 entre 1997 et 2017.
Dans « le monde d’après » et dans un contexte de crise climatique sous-jacente, tôt ou tard, la décroissance s’imposera. Deux courants convergents risquent d’influencer la demande de bien hébergement :
Les concepts qui font de l’esbrouffe, qui surfent sur la vague et se travestissent, qui singent de façon opportuniste, seront plus vite démasqués par une clientèle plus informée et exigeante.
Il faudra donner plus de sens et de valeur à l’expérience client mais pas avec des mots. Il faudra de revenir à des choses plus authentiques, à de vrais produits ayant un vrai contenu pour des clients fidélisés qui n’achètent plus un prix mais la part du bonheur et d’adhésion qu’ils attendaient.
Dans un marché en mutation rapide, « faire comme avant » c’est prendre de sérieux risques. Les crises sont des moments qu’il faut privilégier pour prendre du recul, faire autrement, s’adapter. Il n’y a pas d’autres façons de survivre. Cette démarche de remise en cause, d’écoute, d’observation, déchange est la seule voie préalable à l’action pour résister et sortir plus fort.
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