Quel est l’ampleur du conflit et combien de temps risque-t-il de durer ? Quels sont les impacts prévisibles sur l’économie ? L’offensive russe en Ukraine fragilisera-t-elle la reprise du tourisme en Europe ?
On se rappelle la seconde guerre de Tchétchénie qui se solde par la mort de 100 000 à 300 000 tchétchènes et par la réinsertion de la Tchétchénie dans la fédération de Russie. Il s’agit du conflit le plus violent qu’aient connu l’Europe et l’ex-URSS depuis la Seconde Guerre mondiale. En août 2008 la deuxième guerre d’Ossétie du Sud (Géorgie) où la stratégie Russe est analogue à celle que nous observons en Ukraine, se solde en une semaine avec un bilan humain de plus de 1100 vies. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, a un mode opératoire également comparable sur plusieurs points.
Ce qui change aujourd’hui est l’envergure du terrain des opérations. Jamais, depuis la seconde guerre mondiale, nous avions assisté en Europe à l’annexion d’un état aussi vaste et aussi peuplé.
On pourrait penser que les ambitions du « tsar » sont seulement de redonner à la « Sainte Mère Russie » son vernis d’antan mais il apparaît aussi que le développement important des forces militaires de l’Ukraine ces dernières années, constitue pour Vladimir Poutine une menace. Un autre objectif semble donc de mater très rapidement l’armée ukrainienne après quoi la mise sous contrôle de son appareil exécutif serait l’objectif ultime.
La Russie pourrait-t-elle contrôler durablement un état grand comme la France, peuplé de 44 millions d’habitants nationalistes, est une autre question…La Russie pourrait être bien en mal d’avaler ce gros morceau et c’est sans parler de l’impact négatif sur l’opinion du peuple russe à l’égard des pratiques d’un souverain devenu bien esseulé.
Les forces de l’Otan ont donc tout intérêt à ne pas s’engager dans un conflit armé offensif mais plutôt de mettre en place des mesures économiques de nature à affaiblir la bête déjà malade. La Russie n’est plus une puissance mondiale majeure. Son PIB se situe au 11ème rang mondial derrière le Brésil et le Canada. Dans la lignée des puissances économiques de 3ème rang, elle tire une bonne part de ses ressources dans les matières premières, en particulier le gaz et le pétrole qui représente 50% de ses exportations. Ses premiers clients sont la Chine, les Pays Bas et l’Allemagne. La balance commerciale de la Russie est largement excédentaire avec des exportations dont le volume vaut deux fois celui des importations. Une « mise au ban » de la Russie compliquera donc fortement la réalisation de ses exportations. On comprend bien le voyage éclair de Poutine en Chine où il a signé un accord sur le gaz. En Russie l’inflation est galopante avec un indice des prix à la consommation atteignant 8,4% en novembre 2021 et cela ne va pas s’arranger.
Nous n’avons donc pas beaucoup d’éléments pour dire aujourd’hui que les conditions d’un conflit militaire international soient réunies.
L’inflation va se durcir encore avec inévitablement un impact négatif sur les marchés boursiers. Un taux d’inflation flirtant avec les 5% n’est pas un scénario à écarter. Mais est-ce vraiment grave pour notre économie ? Si l’impact est évident en termes de perte de pouvoir d’achat pour les ménages, la mécanique est au contraire vertueuse pour un état endetté. Les états auront donc tout intérêt à maintenir une inflation contenue pour financer la facture COVID résultant d’endettements massifs et inégalés.
L’Europe de l’Ouest n’est pas si dépendante que cela du gaz russe, qui ne représente que 20 % de notre consommation. En Allemagne, le gaz russe représente non pas 40% mais plutôt 20 à 30% des ressources en gaz de l’Allemagne (https://www.reuters.com/world/europe/how-much-does-germany-need-russian-gas-2022-01-20/). Côté France, les exportations en direction de la Russie représentent moins d’un demi-milliard d’euros, soit 1 pour mille du volume total de nos exportations, alors que nos importations depuis la Russie sont trois fois moins importantes.
Qui est le plus dépendant de l’autre ?
La crise ukrainienne contribue certes à freiner la libéralisation des déplacements internationaux, mais l’impact est très circonscrit. La part de la clientèle russe dans les recettes du tourisme français est marginale et ne concerne majoritairement qu’une offre haut de gamme, voire de luxe, dans des régions bien localisées.
En France, quel que soit le pays d’origine, il ne sera plus nécessaire de présenter un test négatif à l’arrivée, pour les personnes complètement vaccinées. L’analyse des réservations prises montre que mise à part le tourisme en provenance des pays asiatiques, la détente du voyage international est bien effective. La réouverture des couloirs aériens transatlantiques amorcée depuis quelques mois est un signe positif. Le Japon, l’un des pays les plus stricts dans sa gestion de l’épidémie, avait fermé ses frontières depuis mars 2020 et vient d’annoncer le début d’un allègement des restrictions à ses frontières. La récente étude du cabinet Extenso mentionne « le retour de la clientèle d’affaires dans les zones urbaines, grâce à une reprise des salons et séminaires depuis septembre 2021 »
Nous n’avons pas donc d’élément significatifs pour être pessimiste quant à la continuation du redémarrage du tourisme en France.
Les images que nous avons pu voir de l’Ukraine nous consternent. Elles sont graves d’un point de vue humain et politique mais en termes d’impact sur l’économie européenne, vivons-nous vraiment le scénario catastrophe que tentent de nous peindre les médias et certaines têtes politiques en campagne ?
Si nous nous montrions très pessimistes dès février-mars 2020 sur les impacts de la pandémie sur l’hôtellerie et l’économie plus globalement, nous restons la tête froide sur le contexte économique et ses impacts sur le marché de l’hôtellerie en France dans les mois à venir. Sans dire « tout va très bien madame la Marquise », nous sommes en ce début 2022 dans un contexte économique bien plus favorable que durant les 24 derniers mois.
Il ne faut cependant pas évacuer des risques de tensions internationales encore plus sérieux, notamment alimentés par l’attitude de la Chine. Ce sera un autre chapitre.